19 septembre 2022
Nous communiquons ce document aux maires et conseillers municipaux de la Communauté de Communes.
Ce texte est une synthèse de lectures, de documents, d’interviews et d’informations de terrain concernant la forêt, fruit d’une étude et d’une recherche de documentation conduite par notre association depuis 2021, afin de contribuer à une meilleure appréhension de la problématique forêt.
Nous sommes désireux de partager cette étude avec nos élus, amenés à prendre tôt ou tard des décisions concernant les forêts communales, décisions déterminantes pour l’équilibre écologique, c’est-à-dire tout simplement pour notre capacité à vivre sur une terre préservée.
La forêt est l’atout majeur de notre territoire, sa richesse, son privilège.
À l’intention des élus de la Communauté de Communes
Lacs et Gorges du Verdon
La question s'est posée à notre association du Haut Var Verdon TERRA VIVA, dédiée à la protection de l’environnement, de la pertinence de
pratiquer d'importantes coupes de bois dans nos massifs. Nous avons alors approfondi la question de la forêt, couplée à celle de l'énergie renouvelable, du réchauffement climatique et de la
biodiversité. Étant donné la dégradation rapide des conditions de vie sur terre et l'effondrement de la biodiversité d'un côté, la fonction majeure d'absorption du carbone par les forêts d'un
autre, ainsi que la capacité d'une forêt à contenir, épurer et stocker l'eau, on ne peut plus considérer celle-ci indépendamment de ces données.
Sachant que si l'ONF est le gestionnaire, le propriétaire reste souverain, les décisions concernant la forêt communale appartiennent à la commune
et sont prises en conseil municipal. Vous avez donc la responsabilité pleine et entière du destin de vos forêts.
Parce que vous serez amenés à vous positionner, nous souhaitons partager largement nos recherches avec vous et vous en proposer une synthèse.
Merci de prendre le temps de lire ce petit document.
Françoise Delmas
Présidente
Pour nous joindre :
Association Terra Viva
Hôtel de Ville
83630 AUPS
terravivaverdon@yahoo.com
www.terravivaverdon.fr
Nos sources sont trois associations de défense de la forêt :
Des interviews données par :
On ne peut que vous encourager à lire également « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben, ouvrage qui donne sur la physiologie des arbres des informations tout à fait étonnantes, et « Pour une forêt primaire en Europe de l'Ouest » de Francis Hallé : www.foretprimaire-francishalle.org.
« Quelle que soit la région, tropicale ou tempérée, la forêt est la végétation la plus lourde, la plus complexe, la moins connue, la plus stable, la moins polluée et celle qui abrite, sur les sols les plus riches, la plus haute diversité biologique animale et végétale. »
Francis Hallé
FORÊT BIODIVERSITÉ CLIMAT
ÉNERGIE RENOUVELABLE
Retour sur la physiologie et le fonctionnement d'une forêt
L'arbre est un organisme à part entière, inclus dans un organisme supérieur qui est la forêt, dont il devient un organe. La forêt comme tout organisme s'enveloppe d'une membrane protectrice représentée ici par la canopée et la lisière de la forêt, organe de perception, de contrôle et de gestion de l'organisme. L'enveloppe forestière protège la forêt.
Lors des précipitations, la surface forestière accumule l'eau. Au cours d'une grosse pluie, du fait de ses milliers de feuilles rabattant l'eau vers ses racines, un arbre adulte peut emmagasiner jusqu'à plus de 1000 litres d'eau supplémentaires (Wohlleben).
La photosynthèse n'absorbe pas toute l'eau stockée, le surplus va dans les sources, les nappes phréatiques et les rivières. En respirant, les arbres évacuent de l'humidité, refont des nuages et des précipitations. Les racines elles-mêmes absorbent l'eau et transpirent, humectant ainsi le sol de façon continue et créant une synergie avec les autres végétaux.
Une forêt comporte un taux important d'humidité. Une canopée complète, avec des arbres les uns à côté des autres, favorise une forêt naturelle dense et humide qui brûle moins facilement qu'une forêt éclaircie desséchée.
La température d'une ville arborée serait de 5°C inférieure à celle d'une ville sans arbres. La forêt régule les précipitations par sa capacité à stocker l'eau, dont elle assure aussi la purification.
Tout autant qu'une physiologie végétale, il existe une sociologie végétale : une forêt naturelle crée des associations forestières sélectives. Tout ne va pas avec tout, il y a une symbiose, un partenariat entre les espèces. Chaque arbre a son cortège de champignons spécifiques, d'insectes et de bactéries dont tout l'écosystème profite. Dans une forêt il y a autant de biomasse souterraine qu'il y a de biomasse visible.
Dans un système monospécifique (plantations d'une même espèce), les carences et les maladies apparaissent, chaque arbre ayant les mêmes besoins et puisant les mêmes éléments en même quantité dans un sol qui se déséquilibre et s'épuise, devenant vulnérable aux ravageurs (scolyte de l'épicéa par exemple). On peut cependant faire évoluer une plantation en remplaçant progressivement des arbres par des espèces différentes et favorables à cette association, en créant des lisières de protection forestière faisant fonction de membrane cellulaire enveloppant l'organisme. Il faudra pourtant 200 ans pour recréer une forêt naturelle...
Il est exact que la couverture forestière en France s'agrandit depuis des années, mais quelle forêt ? Du fait de plantations monospécifiques, la santé de l'écosystème se fragilise et se dégrade.
Une forêt naturelle génère un sol riche, chaque arbre en mourant sur place restitue ses sels minéraux et ses nutriments à la terre. 40 % des espèces en forêt dépendent du bois mort. Leur activité est essentielle pour la fertilité du sol, la régulation des maladies et des ravageurs. Maintenir un taux de bois mort suffisant dans la forêt est essentiel. On a pu calculer que 100 m3 de bois mort sont nécessaires à un hectare de forêt pour conserver une riche biodiversité, incluant les oiseaux. Les branches à terre ne sont certainement pas un déchet mais une nourriture indispensable à l'écosystème.
Les zones agricoles qui sont issues de zones forestières utilisent leur matière fertile, puis deviennent, selon les modes de culture, des « déserts agricoles » à qui il faut apporter de l'engrais.
La photosynthèse et l'absorption du carbone
L'unité physiologique de l'arbre est la feuille. L'arbre en opérant la photosynthèse assimile le carbone grâce à sa densité foliaire.
En France les forêts absorbent 20 % de nos émissions de CO2. Si elles ne devaient plus en absorber que 10 % par exemple, ce serait cataclysmique.
Les 2/3 du carbone contenu dans les forêts résident dans le sol. En laissant le sol à nu (coupe rase) il se produit à ce niveau une décomposition du carbone et un relargage dans l'atmosphère qui peut perdurer plusieurs années après la coupe.
La moitié du carbone d'une forêt est stockée dans les plus grands arbres, soit 1% de la forêt. Un arbre jeune, jusqu'à 50 ans, consomme beaucoup d'éléments minéraux et peu de carbone. S'il est coupé et un autre arbre replanté, le sol s'épuise. Plus un arbre vieillit, moins il y a d'éléments minéraux et plus il y a de carbone dans son bois. De 70 à 100 ans, la séquestration de carbone est très importante.
On pourrait imaginer séquestrer plus de nos émissions de CO2 en gérant différemment les forêts, ce qui aurait des effets considérables. Ne pourrait-on le penser à notre niveau communal, intercommunal, départemental, voire régional?
Les systèmes naturels sont les plus rapides et les moins coûteux pour réduire le taux de CO2 de l'atmosphère. Les forêts variées avec de vieux et grands arbres sont les plus résilientes par rapport au changement climatique et sont les meilleurs puits de carbone.
Plus un écosystème est complexe plus il est résistant aux perturbations climatiques.
Les perturbations renforcent la co-évolution génétique. La forêt est un écosystème fait pour se relever après un événement climatique. La nature a une force et une ingéniosité que l'homme n'a jamais égalées.
Mais devant les énormes changements climatiques en cours, l'incertitude est totale. On a une idée très imprécise de la capacité de résilience et de réactivité des écosystèmes. On ne sait pas non plus quelle sera la capacité des sols à garder l'eau.
Il faut donc être prudent, ni simplifier, ni penser comprendre, ni se hâter de conclure. Le maintien de la forêt existante et la protection des forêts en cours de croissance s'impose, simultanément à l'observation à plusieurs échelles. Dans les conditions de l'accroissement rapide du réchauffement climatique qui sont dorénavant les nôtres, est-il vraiment opportun de couper des arbres de 80 ans dans nos forêts communales pour ne laisser qu'un arbre tous les 30 mètres ?
Toutes ces informations, dûment vérifiées et contrôlées par des experts forestiers avant de vous être délivrées, concernent la forêt en général et la forêt européenne en particulier. La forêt méditerranéenne est certainement spécifique. Qu'en est-il de son humidité, du risque incendie, de sa maturité, de la gestion de son bois ?
Caractéristiques et fonctionnement de la forêt méditerranéenne
Les différentes tournées en forêt de La Verdière que nous avons effectuées en mai et en juin 2021 avec le Conservateur d'Espaces Naturels monsieur Jean-Paul Dauphin nous ont permis de mieux comprendre les caractéristiques et le fonctionnement de notre forêt provençale.
La géologie du sol, le climat, l'altitude, déterminent la capacité de développement de la végétation. Sur sol rocheux, les arbres auront une capacité de croissance limitée. Une couche insuffisante d'humus ne permettra pas à certaines espèces de s'enraciner. L'humus est du carbone pur décomposé par les champignons. La forêt naturelle produit 5 cm d'humus en 80 ans.
On observe dans une même forêt des emplacements différents (stations) présentant une certaine homogénéité au niveau du sol, de la flore et du climat. A chacun de ces endroits pousseront des espèces particulières, de taille et de densité différentes qui renseignent sur les éléments constitutifs de ce milieu particulier. Leur reconnaissance est utile : elle permet de favoriser les essences les mieux adaptées aux conditions locales.
Nos forêts sont menacées par le feu. A ce sujet, il faut distinguer l'inflammabilité de la combustibilité.
L'inflammabilité est le temps mis par un matériau pour commencer à brûler. Elle dépend de la teneur en eau du matériau. Ce taux se calcule et détermine les journées à risque de feux.
La combustibilité est liée à la masse de combustible sur pied susceptible de brûler et déterminant la puissance du feu, c'est-à-dire la température produite. Dans un maquis très fourni, le feu va avancer lentement en libérant une puissance de feu énorme, 1300°C par exemple, alors que dans l'herbe, le feu peut avancer très vite et être « froid ».
Dans une forêt naturelle sur laquelle on n'intervient pas, l'ombre s'accroit, réduisant la capacité des buissons et petits arbres à pousser. Il se produit un écroulement progressif du sous-étage forestier, bois morts au sol et peu de masse végétale : une vieille forêt mature devient donc moins « combustible ».
Les mesures d'abattage des pins et le débroussaillement en bord de routes sont destinés à minimiser les départs de feu pour protéger les corps et les biens. On ne parle plus dans ces zones de forêt mais d'espace arboré.
Aller vers des forêts naturelles et matures implique de tenir à distance l'activité et l'habitat humains afin de réduire autant que possible les zones frontières : routes, mitage, parcs photovoltaïques, zones d'activité...
Nos forêts sont anthropisées depuis des siècles : les coupes de taillis de chênes laissent repartir des « rejets de souches » qui sont en fait des branches et non des troncs. La sève est bloquée au niveau de la souche, ce qui limite la croissance des rejets de souches qui n’atteindront pas la hauteur qu’offre la profondeur du sol forestier.
La forêt méditerranéenne soumise à une longue période annuelle de sécheresse verra globalement se développer des arbres résistants à croissante lente si l'humus le permet ou des pins à faible enracinement dans le cas contraire. Les arbres poussent peu, soumis à la chaleur, au vent, au soleil, au froid. La hauteur des pins, arbres colonisateurs, reste modeste.
Au cours de l'année 2017, année sans pluie estivale pendant 6 mois, les chênes en stress hydrique ont jauni : ils ont récupéré le sucre et les nutriments de leurs feuilles, les ont envoyés aux racines qui les ont stockés. Les feuilles sont devenues jaunes et sont tombées. L'arbre attend l'année suivante et des jours meilleurs pour reprendre un cycle végétatif actif. L'arbre est résilient, il s'adapte : un grand arbre recevant suffisamment de lumière, en équilibre avec les houppiers voisins, envoie moins de sève dans ses parties hautes qui se fragilisent, sont attaquées par le bupreste dont la larve ceinture les branches et provoque leur dessèchement. Ces branches se cassent et tombent, l'arbre perd deux mètres de hauteur en un an : c'est une descente de cime.
On distingue la forêt ancienne, celle qui est depuis longtemps cadastrée, de la forêt mature, elle-même différente de la forêt primaire.
La forêt ancienne a été soumise à l'intervention humaine, taille, prélèvement de bois, tandis que la forêt mature poursuit son évolution sans récente intervention anthropique. Dans notre région, les forêts matures n'existent que dans les endroits inaccessibles ou protégés : sentier Vidal (le fond des gorges), la Sainte-Baume (lieu sacré), Vérignon (propriété du château).
La forêt primaire quant à elle, est « une forêt qui, en principe, depuis son origine, n'a jamais été altérée par des activités humaines » (Hallé). Il faut environ dix siècles pour qu'à partir d'un sol nu se constitue une telle forêt.
Il n'existe plus qu'une seule forêt primaire en Europe, la forêt de Bialowieza. Cette « forêt magnifique dont les arbres de dimensions exceptionnelles abritent toute la faune forestière européenne y compris tous les grands animaux, loups et ours, cerfs, daims, lynx et chats sauvages, sangliers, élans, aurochs et bisons d'Europe» se trouve en Pologne. Cette forêt est bien entendu menacée par l'absence de sensibilité écologique – au bas mot – du gouvernement polonais.
Francis Hallé est à l'origine d'un projet de retour vers une forêt primaire en Europe de l'Ouest (www.foretprimaire-francishalle.org).
La pression anthropique répétée réduit la diversité floristique. Plus importante est la diversité biologique, plus grande est la résilience des forêts.
Pour préserver la forêt, la biodiversité et le vivant, il faut aller vers les forêts matures. Il serait intéressant de créer des réserves biologiques dans les meilleures stations (géologie : roche mère calcaire, dolomie, sédiment de terra rossa non calcaire). Il faut 80 ans pour que la réponse de la forêt sans intervention humaine s’exprime par l’installation d’une futaie, c’est-à-dire avec régénération par semis de graine et non par rejets de souches. Laisser s'écrouler dans le sous-bois les genévriers, les résineux et une partie du vieux taillis mature permet à la jeune futaie feuillue qui s’est installée (chêne vert sous vieux taillis de chêne pubescent) de pouvoir bénéficier d’un humus.
On peut aider la forêt en replantant, à la manière du geai des chênes, des petits plants forestiers auparavant endémiques : alisier, sorbier, érable, tilleul...
La centrale biomasse
La centrale biomasse de Brignoles, dénommée Sylviana, mise en fonction en 2016, est présentée comme respectueuse de l'environnement, produisant de l'énergie verte, énergie d'avenir, énergie renouvelable, en circuit court, à taille humaine et non polluante. Elle brûle 180 000 tonnes de bois par an et produit 168 000 mwh, soit l'alimentation de 62 000 foyers en électricité.
Elle utilise 75 % de bois issu des forêts provençales (100 km autour de Brignoles), les produits connexes des scieries et le bois déchet en provenance des centres de tri et de valorisation. Les présentations officielles sont convaincantes et séduisantes, la centrale coche toutes les cases des exigences sociales et environnementales.
Un seul bémol : la centrale ne valorise aucun kWh thermique, ce qui fait d'elle « la centrale biomasse en fonctionnement la moins rentable du pays » dit son gestionnaire lui-même. L'absence de cogénération, production à la fois d'électricité et de chaleur, induit une lourde déperdition d'énergie. La rentabilité énergétique affichée de la centrale est de 29 %.
Mais l'utilisation de la biomasse forestière pour la production d'électricité est-elle une solution écologique ? Brûler une matière qui contient du carbone produit du dioxyde de carbone.
La combustion du bois n'est pas neutre en carbone. À quantité égale, la combustion du bois est plus émettrice de CO2 que n'importe quelle autre énergie. L'engouement pour la biomasse vient de ce qu'elle a été reconnue comme énergie renouvelable et comme telle subventionnée (une récente décision du 16 mai 2022 de la commission Environnement du Parlement Européen exclut dorénavant la biomasse forestière primaire des sources d’énergie comptabilisées comme renouvelables.)
Mais « le bilan carbone des forêts doit tenir compte des émissions de carbone d'origine fossile liées à l'exploitation de cette biomasse et du fait que, pour une même énergie libérée, les combustibles fossiles sont souvent moins émetteurs de carbone que le bois » (Caullet président du conseil d'administration de l'ONF et député, rapport à l'Assemblée Nationale 2015 annexe 3). La filière bois pourrait entrainer une hausse des gaz à effet de serre de 10 % dans les 10 prochaines années, alerte le GIEC.
« Une forêt se jardine » dit la présentation de l'usine de Brignoles, justifiant ainsi les « prélèvements d'entretien » entrepris sur nos forêts. Nous pouvons être aisément en accord avec cette idée. Cependant la réalité observée dans la Grand Colle (forêt communale d'Aups) ne correspond pas à du jardinage. Les abatteuses ne sont pas faites pour jardiner et les tracteurs forestiers de débardage pas plus. La mise en œuvre des coupes de bois par les entreprises forestières avec de gros engins exige de facto d'importantes quantités d'arbres coupés pour être rentable.
Car si la biomasse est effectivement une énergie renouvelable à long terme, le réchauffement climatique est, lui, à court terme. Nous n'avons pas le temps d'attendre que les arbres poussent.
Conclusions, propositions
Les centrales biomasse ne brûlent que du pin tandis que le chêne est vendu comme bois de chauffage, bois dont on a besoin. Comment prélever du bois de chauffage en préservant la forêt ? La réponse est toujours la même : artisanale et locale. Petit bouscatié, petit tracteur, petit producteur. Laisser les 4/5 du bois, ne pas couper les plus grands arbres, utiliser un matériel relativement léger et peu offensif pour la forêt.
Réduire la forêt, dont on connaît les qualités remarquables, pour une efficacité énergétique de 29 %, chiffre donné sur le site de la centrale, n'est-ce pas une erreur dramatique, une énorme gabegie ? Au nom de l'écologie, on détruit un réservoir de carbone et de biodiversité.
Devant le constat alarmant de la perte accélérée de la biodiversité, de l'accroissement de la température, instruits des capacités exceptionnelles de la forêt à maintenir le vivant sous toutes ses formes, ne devons-nous pas faire nôtres les recommandations de prudence des forestiers et des scientifiques, et préserver nos forêts en allant vers un « jardinage de futaie » dont le produit ne serait pas envoyé à une centrale biomasse émettrice de CO2, mais vendu localement comme bois d'œuvre, bois de charpente et bois de chauffage ?
Être doté de forêts est une chance précieuse, une richesse vitale, c’est l’exceptionnel atout de nos communes et de notre département. Prenons-en la mesure et soyons à la hauteur des enjeux !
Mieux informés du fonctionnement systémique fragile de la forêt méditerranéenne, nous pouvons imaginer d'autres projets pour nos communes : en échange de la destruction de la forêt communale pour la réalisation d'un parc photovoltaïque par exemple, nous pouvons proposer des mesures compensatoires utiles et porteuses de régénérescence de la forêt et de la vie qu'elle abrite. Pour un hectare de forêt détruite on peut demander au porteur de projet d'acheter trois hectares de forêt mature dans laquelle il n'y aurait plus d'intervention humaine, créant ainsi un précieux réservoir biologique sur la commune ou sur le territoire.
Les plans d'aménagement forestier des forêts communales élaborés par l'ONF sont pensés de manière scientifique et minutieuse. L'analyse de la forêt et de ses différentes stations est rigoureuse, la planification des interventions n'est pas laissée au hasard. Cependant l'ONF n'est que le gestionnaire, le décideur est le propriétaire. Dans les forêts communales, l'ONF propose et le Conseil municipal dispose. Le propriétaire, en l'occurrence la commune, peut par délibération du Conseil municipal cibler la destination des bois. Encore faut-il que le Conseil municipal soit au fait de la problématique forêt et du commerce des bois. Ce travail a pour but de contribuer à éclairer les décideurs afin que les orientations actuelles tiennent compte au plus près des données environnementales extrêmement alarmantes (rapport du GIEC du 4 avril 2022 : nous avons 3 ans devant nous pour infléchir la courbe de l'élévation de température en stoppant nos émissions de gaz à effet de serre).
Ce sont des décisions politiques dont les conséquences seront déterminantes pour l'avenir proche. En tant que citoyens membres d'une association de protection de l'environnement, nous en sommes les porteurs.
ANNEXE
À titre d'exemple, la situation de la forêt communale d'Aups est éclairante : celle-ci est majoritairement située au nord de la commune : massif des Espiguières, Mourre de Cuiller, la Grand Colle.
Ce périmètre hydrogéologique protégé alimente les nappes phréatiques de la commune. Le déboisement conduit mécaniquement à un moindre stockage de l'eau par les arbres et leurs racines, une érosion accrue du sol, un relargage continu de CO2, un risque plus important d'inondation et de coulée de boue.
Le village construit en contrebas a subi dans les siècles passés des inondations importantes et répétées dues aux eaux de ruissellement de ce massif. On peut sans doute l'expliquer par le fait que jusqu'au début du XXe siècle la colline était beaucoup plus cultivée qu'aujourd'hui. La forêt qui pouvait coloniser les zones laissées inexploitées était trop réduite pour jouer son rôle de rétention d'eau.
Ces eaux de ruissellement formaient une rivière appelée « le Torrent »
(déférent T majuscule) sur la carte d'état-major de 1866 et jusqu'aux derniers relevés IGN de 1950. Puis ce Torrent est devenu « ruisseau de la Grave» en 1996. Cette appellation plus anodine indique une nouvelle perception des risques, clairement minorés. On peut faire l'hypothèse que la forêt, en s'étendant et en s'accroissant sur les zones agricoles laissées à l'abandon après la guerre (industrialisation et déprise agricole), joue dès lors un rôle de régulation significatif qui espace et éloigne les menaces d'inondation. On a pu aller, peut-être imprudemment, jusqu'à goudronner le lit du Torrent dans le village.
Il va de soi qu'un déboisement important, assorti au tassement du sol par les abatteuses et les engins gigantesques qui sont utilisés pour extraire le bois de la forêt va à nouveau inévitablement dégrader considérablement les capacités d'absorption et de stockage de la forêt communale dans ce périmètre.
« La qualité de la forêt et sa gestion influe directement sur les paysages,
le climat, la qualité des eaux, la biodiversité »
Réseau pour les Alternatives Forestières